Jacob Zuma à Rabat : un tournant diplomatique vers la marocanité du Sahara

Le 15 juillet 2025, à Rabat, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, a reçu Jacob Zuma, ancien président de l’Afrique du Sud et fondateur du parti uMkhonto weSizwe (MK), accompagné de hauts cadres du parti. Cette rencontre s’inscrit dans une dynamique nouvelle entre le Maroc et certaines formations politiques sud-africaines, autour de la question du Sahara et d’un soutien inédit à l’initiative marocaine.
Un soutien officiel à l’autonomie marocaine
À l’issue de leurs entretiens, Jacob Zuma a fait une déclaration forte au nom de son parti :
« Notre parti, UMkhonto We Sizwe, reconnaît le contexte historique et juridique qui soustend la revendication du Maroc sur le Sahara ». « La proposition marocaine d’autonomie permettra une gouvernance locale significative par les populations de la région du Sahara, tout en garantissant au Maroc sa souveraineté sur le Sahara ».

Le parti MK, actuellement troisième force au Parlement sud-africain avec 58 élus, a ainsi formulé une position claire : « Les efforts du Royaume pour recouvrer l’intégralité de son territoire sont en adéquation avec l’engagement du parti en faveur de la préservation de la souveraineté et de l’unité des États africains ». Zuma a même affirmé que l’autonomie représentait « une solution efficace et réaliste pour parvenir à une résolution durable ».
Bourita salue une position « lucide et responsable »
De son côté, Nasser Bourita a salué ce changement de ton venu d’Afrique du Sud, évoquant « une position empreinte de lucidité et de responsabilité ». Il a mis en avant la volonté du Maroc de « renforcer le dialogue avec les forces politiques émergentes du continent », tout en rappelant l’importance de ce soutien dans la perspective d’un règlement pacifique du différend autour du Sahara.

Le poids de l’histoire dans les propos de Zuma
L’ancien président Zuma a rappelé les liens historiques qui unissent les deux nations, en soulignant :
« Nous sommes ravis et honorés d’être ici à Rabat pour renforcer les liens historiques entre nos deux pays, qui remontent à l’époque de la lutte contre l’Apartheid. Nous rappelons que notre grand dirigeant Nelson Mandela a été formé au Maroc, à Oujda, en 1962, bénéficiant d’un soutien financier et militaire qui a ensuite été étendu au mouvement de libération en Afrique du Sud et sur le continent ».
Il a aussi évoqué sa rencontre personnelle avec le roi Mohammed VI en 2017, effectuée en marge d’un sommet Union africaine–Union européenne, qui avait « donné un nouvel élan aux relations bilatérales ».
Des implications politiques et diplomatiques
La reconnaissance de la marocanité du Sahara par un parti politique sud-africain représente un virage diplomatique majeur. Jusqu’ici, Pretoria soutenait généralement le Front Polisario. L’appui du MK pourrait exercer une pression sur l’ANC de Cyril Ramaphosa pour qu’il repositionne officiellement l’Afrique du Sud dans ce dossier.
Un document du MK publié en juin dernier, intitulé « Un partenariat stratégique pour l’unité africaine, l’émancipation économique et l’intégrité territoriale : Maroc », affirme que le Sahara « faisait partie du Maroc avant la colonisation espagnole à la fin du XIXᵉ siècle » et qualifie la Marche Verte de « mouvement de libération non violent ».
Vers un nouveau chapitre des relations marocosud-africaines ?
En affirmant leur soutien à l’autonomie, Zuma et le MK jettent les bases d’un réchauffement des relations entre Rabat et Pretoria, via des acteurs politiques influents. Cela marque aussi un espoir de nouveau dialogue intra-africain, autour de la paix, de la stabilité et du développement régional.
Longtemps tendues en raison du soutien sud-africain au Front Polisario, les relations entre Rabat et Pretoria pourraient connaître un tournant significatif. La visite de Jacob Zuma à Rabat, en tant que figure influente du parti MK, marque une rupture avec la ligne traditionnelle de l’ANC. En affichant un soutien clair au plan marocain d’autonomie, le MK ouvre la voie à une reconfiguration diplomatique. Ce rapprochement pourrait favoriser l’émergence de nouveaux partenariats économiques, politiques et culturels entre les deux pays, dans un esprit de coopération intra-africaine. Si cette dynamique se confirme, elle pourrait aussi influencer la position officielle de l’Afrique du Sud, en favorisant une lecture plus pragmatique et panafricaine du dossier saharien, axée sur la stabilité régionale et l’intégrité territoriale.
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Samirat Ntiaze