Tunisie : Béji Caïd Essebsi, premier président élu démocratiquement, est mort
Il sera revenu assez étrangement à ce patricien d’incarner la révolution. Là était le paradoxe foncier de Béji Caïd Essebsi, à la fois garant de la stabilité de la « transition tunisienne » et limite à son approfondissement, un pied dans l’ancien régime et l’autre au cœur du Printemps 2011. La mort du président tunisien à l’âge de 92 ans, annoncée jeudi 25 juillet par un communiqué de la présidence, laisse la Tunisie orpheline d’une figure tutélaire résumant ses propres ambivalences, ce « gris » d’un chantier hybride qui ne prend des couleurs qu’au regard du chaos ou de l’immobilisme de ses voisins. Béji Caïd Essebsi avait été hospitalisé mercredi pour un problème de santé consécutif au sérieux malaise qu’il avait eu le mois dernier.
Premier président issu d’un scrutin libre en 2014, cet héritier de Habib Bourguiba – le « Père de l’indépendance » – s’était assigné la mission de réhabiliter le « prestige de l’Etat » menacé à ses yeux par les « surenchères » de la révolution. Le « moderniste » qu’il était n’aura toutefois pu accéder à la magistrature suprême qu’en scellant un pacte avec les islamistes du parti Ennadha, ses farouches adversaires de la veille, plaçant la tactique au-dessus de l’idéologie. Et surtout, il aura rétabli en son palais de Carthage une ambiance de sérail dynastique – en cautionnant les ambitions de son fils – qui cadrait mal, là aussi, avec sa rhétorique sur l’Etat « à restaurer ». Contradictoire, Béji Caïd Essebsi l’était assurément, à l’image de bien de ses compatriotes.