Félicien Castermann : 25 ans au service de l’élégance africaine

Depuis plus de deux décennies, Félicien Castermann incarne l’un des visages les plus emblématiques de la mode béninoise. Styliste modéliste reconnu, il a bâti sa réputation sur un savoir-faire exigeant et une créativité sans compromis. À l’heure où le Bénin cherche à affirmer son identité culturelle sur la scène internationale, il témoigne d’un parcours singulier et d’une vision claire : faire de la mode un levier de développement et de rayonnement du pays.
Derrière ce nom peu commun, qui lui vient d’un professeur italien de dessin, se cache un créateur passionné dont la signature est désormais reconnaissable entre toutes. À travers ses créations, Félicien Castermann redonne vie aux tissus africains et façonne une identité vestimentaire qui rayonne bien au-delà des frontières nationales. Sa spécialité : un mélange subtil de rigueur dans la finition et de créativité dans les décorations, pour des pièces uniques qui séduisent une clientèle exigeante. « Mes habits sont facilement identifiables grâce à ma touche unique », résume-t-il avec une simplicité qui contraste avec l’ampleur de son parcours.

Un parcours singulier, une vision assumée
Dès son enfance, Félicien Castermann s’est distingué par ses talents de dessinateur. Très vite, le passage vers la mode est devenu une évidence. Vingt-cinq ans plus tard, il se dit pleinement épanoui : « Ce métier m’a tout donné et m’a permis de voyager partout dans le monde. »
Son plus grand motif de satisfaction reste cependant l’inspiration qu’il suscite chez les jeunes stylistes béninois. Beaucoup voient en lui un modèle et s’engagent à leur tour dans la voie de la création. « Ils peuvent et doivent faire mieux que moi », confie-t-il, conscient que la relève est indispensable à la pérennité de la mode béninoise.
Cependant, tout n’a pas été facile. Le styliste regrette que son métier ne soit pas toujours pris au sérieux : « Les gens ne s’imaginent pas que nous sommes des créateurs d’œuvres d’esprit, des artistes à part entière. » Pour lui, il appartient aux acteurs eux-mêmes de démontrer la valeur de leur art et d’imposer leur place dans la société.


La mode béninoise en pleine mutation
À l’image de son propre parcours, la mode béninoise a connu une véritable métamorphose ces dernières années. De la traditionnelle tenue « bomba », revisitée et modernisée, aux initiatives gouvernementales comme le projet textile de Glo-Djigbé, le secteur attire de plus en plus d’investissements et d’attention.
« La mode béninoise se porte très bien et augure de belles perspectives », affirme Castermann, qui voit dans cette dynamique une opportunité majeure pour promouvoir la destination Bénin à l’international.
Il salue notamment la politique culturelle du président Patrice Talon, qui a permis de mettre en lumière le patrimoine béninois et de renforcer les synergies entre les différents créateurs. La création du Mois de la Mode, en 2017, constitue à ses yeux une véritable vitrine. « Pour une fois, les dirigeants ont cru en nous et ont décidé de faire notre promotion à leur manière », souligne-t-il, espérant que cette célébration s’étendra bientôt à toutes les grandes villes du pays.

Défis et héritage : penser la pérennité
Malgré ces avancées, plusieurs défis subsistent. L’explosion des écoles de mode, parfois gérées par des non-professionnels, inquiète le styliste, qui plaide pour une meilleure régulation et des formations de qualité. « L’étape où se trouve la mode béninoise ne permet plus les approximations », insiste-t-il.
Autre sujet sensible : la disparition rapide des grandes maisons de couture après le décès de leurs fondateurs. Castermann cite avec émotion les noms de pionniers comme Pigozi, Peter Toss, Gilberto, J-B Hounyovi, Ciseaux d’or ou La Fourmi, dont l’héritage s’est éteint avec eux. « Nous devons trouver la formule pour que nos marques survivent à leurs créateurs », martèle-t-il, en appelant à s’inspirer du modèle européen où les maisons perdurent de génération en génération.
Optimiste malgré tout, l’ancien président de l’Association des créateurs de mode du Bénin croit en l’avenir du secteur, à condition que les stylistes travaillent main dans la main et dépassent les querelles de leadership. « L’union est indispensable pour faire rayonner la mode béninoise », conclut-il, avec la conviction qu’un nouveau chapitre s’ouvre pour cette industrie en pleine effervescence.
Par Cir-Raoul HOUNGBEDJI