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December 13, 2024
CIVILISATION POLITIQUE

22é SOMMET DES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DE l’UA “Grave recul”

  • février 12, 2014
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22é SOMMET DES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DE l’UA  “Grave recul”

Par rapport au 12e sommet, le 22e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine n’est-il pas un recul? Recul de la qualité du débat, recul du leadership. Cela me semble grave. Le 12e sommet s’acheva le 3 février 2009, après un intense débat sur la création d’un gouvernement africain. Deux camps s’opposaient. Les uns voulaient tout de suite ce gouvernement. Pour d’autres, les gradualistes, celui-ci devait attendre. L’on assista à une sorte de remake du débat du début des années 1960s, entre le groupe de Casablanca et celui de Monrovia. On se rappelle le groupe de Casablanca, conduit par le Roi Mohammed V, Kwame Nkrumah, Gamel Abdel Nasser, Modibo Keita, et Ahmed Sekou Touré. Il agissait pour un panafricanisme souverain, politique- ment unifié. Son but, proclamé dans la “Charte Africaine de Casablanca” que ces cinq dirigeants adoptèrent le 7 janvier 1961 au terme de leur conférence dans cette ville marocaine, était “de consolider les libertés de l’Afrique, de bâtir son unité et d’assurer sa sécurité”. Pour cela, ils posèrent les fondations d’un gouvernement africain. A ceux qui n’auraient pas lu cette charte, document fon- dateur d’une valeur à ce jour inégalée, nous conseillons le numéro hors-série de Hommes d’Afrique magazine publié en français et en anglais, en mai l’année dernière, à l’occasion du cinquantenaire de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) qui est devenue l’Union Africaine (UA) d’aujourd’hui. A Addis-Abeba au 12e sommet de l’UA, qui pouvait se réclamer des signataires de la Charte Africaine de Casablanca? Qui maintenait ou essayait de main- tenir le débat au niveau de qua- lité qu’avaient initié ces signataires? Qui poussait dans la bonne direction, suivant les pas de Nkrumah et ses pairs? Peut- être Jean Ping, Président de la Commission de l’UA depuis le 28 avril 2008, en poste depuis seulement neuf mois. Certainement Mouammar Khadafi de Libye et avec lui d’autres dirigeants africains dont le Président Abdoulaye Wade du Sénégal. Le débat fut chaud, long. Le sommet était prévu du dimanche 1er au mardi 3 février. Les Africains suivirent ce sommet avec un enthousiasme inédit. Enthousiasme qu’ils n’ont plus jamais eu pour aucune autre réunion de leurs dirigeants. L’enjeu, Khadafi et ses pairs l’avaient posé dès le début du sommet: la création d’un gouvernement africain qui remplacerait l’UA. Allant dans le sens de cet enjeu, Jean Ping, dans son discours d’ouverture du sommet, sou- ligne la nécessité “d’accélérer l’intégration physique du continent” par des projets d’infrastructure que les Africains devaient sans tarder construire eux-mêmes. Le thème du sommet était d’ailleurs “Le développement des infrastructures en Afrique”.. Fidèle à son image, la Libye annonce d’importants montants qu’elle met tout de suite sur la table pour réaliser ces infrastructures. Une grande partie de l”Afrique, les jeunes en parti- culier, applaudit Le Guide, le “Roi des Rois”. Le gouverne- ment libyen continue, insiste sur une autre urgence: la Banque Africaine d’Investissement qui doit vite démarrer ses activités. La BAI est l’une des trois institutions financières créées par l’article 19 des des statuts de l’UA, qu’ont adoptés l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement africain réunis le 7 juillet 2002 à Durban en Afrique du Sud, pour lancer de l’UA,. Les deux autres sont le Fonds Monétaire Africain et la Banque Centrale Africaine. Au moment des débats du 12e sommet, de ces trois institutions, seule la BAI est sur le point d’être opérationnelle. Les deux autres ne sont encore que projet sur papier, sept ans après leur création statutaire. Aujourd’hui en 2014, douze ans plus tard, rien n’a changé. Est-ce un hasard si la BAI était en avance sur les deux autres institutions? Non, la BAI a son siège en Libye et le gouvernement de ce pays a pris ses responsabilités pour cette avance. On dit qu’il a apporté des dizaines de mil- liards de dollars au capital de la BAI. La BAI est effectivement sur de bons rails, malgré ceux qui la torpillent, directement ou indirectement. Avec la BAI, les Africains disposeront d’une banque réellement africaine, possédée par les Africains, pour financer leur développement, à des conditions que les Africains eux-mêmes fixent et acceptent. On a aussi dit que la Banque Africaine de Développement, dont seule une faible part du capital appartient aux Africains, figurait parmi les torpilleurs de la BAI. En cinq décennies, la BAD, copiant les conditionnalités de la Banque mondiale, n’a financé aucune infrastructure d’importance en Afrique, du moins en Afrique subsaharienne. C’est contre cette situation que la BAI veut agir. Mais, pour le camp qui soutient la BAI, il y a plus important: il veut le gouvernement africain, il veut qu’on passe vite, de l’UA à ce gouvernement, afin que l’Afrique, unie, constitue l’invincible puissance que sa taille, sa démographie, sa diversité, ses civilisations et ses ressources permettent. Ce camp de Kadhafi, lequel est élu à la présidence tournante de l’UA pour l’année 2009, du 2 février 2009 au 31 janvier 2010, n’obtient pas victoire. Il n’y aura pas de gouvernement africain. Les débats, fait rare, peut-être unique dans les annales de l’UA, se prolongent après 20 H du soir le jour de clôture du sommet. Il sont âpres. Ils dépassent minuit, ne se terminent qu’à 2H du matin le mercredi 4 février. Les gradualistes, à la tête des- quels l’Afrique du Sud, se sont fermement opposés à l’établisse- ment rapide du gouvernement africain.

 

Un compromis permet d’arrêter les discussions: l’UA disparaî- tra, comme le voulaient Kadhafi et son camp. Toutefois, l’on ne créera pas à la place, un gouvernement africain, mais plu- tôt une “Autorité Africaine”. Et puis, graduellement, cette autorité sera transformée en “gouvernement africain”. L’on se dit au revoir au petit matin, dans la nuit froide d’Addis. Chacun repartit relativement satisfait. Les gradualistes avaient empêché la formation d’un gouvernement africain, auquel disent-ils, ils ne s’opposent pas, qu’ils souhaitent même, mais qu’ils considèrent pour l’heure prématuré. Les autres voyaient leur déception atténuée: certes, ils n’avaient pu former immédiatement le gouvernement africain, mais ils avaient obtenu clairement le principe de la transformation de l’UA en Autorité Africaine, laquelle devait à son tour être transformée en gouvernement africain.

On sait la suite

Le mandat de Khadafi terminé à la tête de l’UA, la présidence tournante passa de l’Afrique du Nord, la Libye, à l’Afrique Australe, le Malawi. Bingi Wa Mutharika Président de ce pays, devint Président de l’UA à partir du 31 janvier 2010. On sait la suite. On n’a plus jamais parlé même de l’Autorité Africaine. Khadafi est mort sans avoir vu le gouvernement africain, sans avoir vu même le début de l’Autorité Africaine. Dix sommets plus tard, au 22e sommet tenu du 27 au 31 janvier 2014 à Addis, les observateurs ont constaté le peu d’enthousiasme de la population africaine, de la jeunesse du continent, et même des dirigeants politiques africains. Etaient présents à la clôture, environ le quart du nombre des chefs d’Etat et de gouvernement africains présents un mois plus tôt à la conférence qu’avait organisée à Paris, le Président français, sur la paix et la sécurité en Afrique. Il y avait comme un défaut de leadership et de qualité du débat à ce 22e sommet. Pourtant, l’occasion était excellente: à la fin d’une année de célébration du cinquantenaire, proposer à l’Afrique un projet fédérateur qui mobilise leur énergies, les fait rêver. En réalité il y a un projet, il porte le nom “d’Agenda 2063”, mais il est vague. On n’en est qu’au premier brouillon. Surtout, il est très lointain: un plan de 50 ans, alors on l’a vu, que les leaders du groupe de Casablanca réalisaient leurs projets en quelques mois. Qui peut programmer sur 50 ans? Qui peut croire à “l’Agenda 2063”? Par ailleurs, les dirigeants de l’UA eux-mêmes ne savent pas le contenu de cet “Agenda 2063” pourtant présenté comme une annonce centrale du 22e sommet. Tout s’éclaircira disent- ils, au 23e sommet à Malabo en Guinée Equatoriale en juin 2014. Au mieux, une partie de la population africaine regarde tout ceci avec scepticisme. Au pire, l’autre partie tourne le dos, dégoûtée de l’idée même du panafricanisme. Tous ont en mémoire le Traité d’Abuja signé en 1991, qui devait apporter monts et mer- veilles aux Africains et instaurer la Communauté Economique Africaine. Ils se rappellent aussi, avant ce traité, le grandiose plan que ces mêmes dirigeants avaient non sans pompe, nommé “Le Plan d’Action de Lagos pour le Développement Economique de l’Afrique 1980-2000”. Signé en avril 1980 à Abuja au Nigeria, ce plan devait, en deux décennies, développer toute l’Afrique. Comme le Traité d’Abuja, le plan d’action de Lagos, n’a pas quitté la feuille de papier. Pourquoi en serait-il autrement avec “l’Agen- da 2063”? Qui croît au miracle? En attendant, les ministres des affaires étrangères de l’UA, en compagnie de la Présidente de la Commission de l’UA et des membres du gouvernement éthiopien, se sont isolés durant trois jours, du 24 au 26 janvier: retraite monacale dans la belle ville de Bahir Dar près du lac Tana pour méditer. Au pays de la Reine de Shaba, on est certes pas près du lac de Tébériade, mais y aura-t-il un miracle du lac de Tana? “L’Agenda 2063” marchera-t-il sur l’eau? La statue de Nkrumah est restée seule à garder le siège de l’UA, la main tendue vers une direction: laquelle? Curieux cinquantenaire. “L’Afrique doit s’unir ou périr”, a écrit Nkrumah en 1963. Aujourd’hui, où nous mène-t-on? Objectivement, par rapport à l’époque de Nkrumah, n’avons-nous pas reculé?

François NDENGWE

Les gradualistes, à la tête desquels l’Afrique du Sud, s’étaient fermement opposés à l’établissement rapide du gouvernement africain

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